Chers Amis,
Arrivée et transformation d’Addis-Abeba
À la sortie de l’aéroport de Bole, nous avons emprunté les nouvelles avenues desservant les terminaux. En un an, la ville s’est profondément transformée : de larges trottoirs, des pistes cyclables, des espaces verts équipés de jeux pour enfants, et même des toilettes publiques payantes (10 birrs) entretenues par du personnel. Les palissades des chantiers sont désormais peintes en vert, agrémentées de motifs champêtres. Ce concept de « développement corridor » est aujourd’hui presque généralisé à Addis et commence à s’étendre aux grandes villes du Sud.
L’éclairage public est intégralement assuré par des lampes LED, signe que l’électricité, depuis l’achèvement du grand barrage sur le Nil, est désormais abondante et bon marché.
La capitale est méconnaissable : les immeubles ont été repeints, les enseignes harmonisées, et les rues sont propres et bien entretenues. Addis-Abeba a véritablement pris les allures d’une grande métropole. Les piétons disposent de plus d’espace, ce qui a légèrement fluidifié la circulation. L’autoroute du Sud sera bientôt prolongée jusqu’à Awassa, avec un bon niveau de sécurité.
En revanche, la situation reste dangereuse dans le Nord du pays, notamment autour de Bahar Dar, en raison des exactions des milices et des difficultés de transport. L’armée organise des convois pour sécuriser les bus et camions entre Addis, Bahar Dar et Gondar, mais la situation demeure fragile. Il convient donc de prendre des précautions lors des déplacements dans ces régions.
Tensions ethniques et contexte social
En dehors d’Addis, on constate de plus en plus de marques d’appartenance ethnique : banderoles, drapeaux régionaux et revendications identitaires, notamment du côté des Oromos, qui entourent la capitale et souhaitent y renforcer leur influence. La fête d’Irreecha, traditionnellement célébrée à Bishoftu (à 40 km d’Addis), a d’ailleurs eu lieu cette année au cœur de la capitale. Cependant, la plupart des Éthiopiens rencontrés ne partagent pas ces crispations et tiennent à préserver Addis comme un espace de diversité ethnique et religieuse.
Le gouvernement a récemment relevé le salaire minimum de 26 %, passant de 4 700 à 6 000 birrs (29 à 37 euros). Nous serons prochainement concernés par cette mesure.
Couverture sociale et santé
Une couverture sociale nationale a été mise en place : pour 1 500 birrs par an (9 euros), elle prend en charge les frais de santé et d’hospitalisation dans les structures publiques. Nous proposons d’en assumer le coût pour les salariés et les jeunes présents à l’orphelinat, afin de réduire leur stress et de promouvoir la prévention. Les inscriptions sont ouvertes jusqu’en décembre. Les médicaments sont gratuits lorsqu’ils sont disponibles dans les pharmacies d’État. Même si les prestations restent basiques, cette initiative représente un progrès important.
Santé des jeunes
Plusieurs situations individuelles méritent d’être signalées :
Trois enfants sourds pourraient bénéficier d’un appareillage auditif adapté. Des démarches sont en cours pour évaluer les solutions disponibles localement.
Le jeune Dawit doit prochainement subir une opération des yeux, prise en charge à l’hôpital coréen d’Addis.
Bitaya souffre d’infections urinaires à répétition, nécessitant des hospitalisations fréquentes et un suivi médical renforcé.
Mesfin, qui s’est fait opérer du dos à l’hôpital coréen d’Addis, est en convalescence à l’orphelinat. Il va mieux mais reste encore faible.
Nous restons attentifs à leur accompagnement médical et au suivi post-soins, afin de leur offrir les meilleures conditions possibles.
Éducation, emploi et départ des jeunes
Le départ vers l’Arabie saoudite a repris, concernant désormais la plupart des jeunes titulaires du permis de conduire, ainsi qu’une infirmière.
Seuls trois étudiants sont actuellement inscrits à l’université d’État, dont les critères d’admission deviennent de plus en plus exigeants :
Isaac en architecture à Awassa,
Dawit en management à Tepi,
Kalab en classe préparatoire à Bahar Dar.
Les jeunes qui n’ont pas pu accéder à l’université d’État poursuivent désormais leurs études en collège technique, l’équivalent de nos BTS ou DUT. Cette orientation, voulue par le gouvernement, vise à former davantage de techniciens adaptés au marché du travail local, mais elle réduit le brassage ethnique puisque les étudiants se déplacent moins entre régions.
À noter également que, conformément à notre engagement, des jeunes non séropositifs ont été intégrés dans le dernier programme de Mekdim, une ONG éthiopienne qui aide les personnes séropositives et œuvre pour leur insertion sociale et professionnelle. Sur les 18 participants, 11 suivent actuellement des formations courtes professionnalisantes. Cette organisation a tenu toutes ses promesses, et il serait juste de les remercier officiellement à la fin du programme.
Vie de l’orphelinat
La situation générale nous a semblé meilleure que l’an dernier. Le management s’est amélioré, les rôles sont mieux définis et un règlement interne a été mis en place. Cette clarification, bien accueillie par les jeunes, facilite la prise de décision et la vie collective.
L’inflation tend à se stabiliser, le birr oscillant autour de 160 pour un euro. L’écart avec le marché noir se réduit, ce qui est encourageant. Nous devrons toutefois faire face à des augmentations salariales structurelles et à des demandes accrues de la part des familles d’accueil (foster families). Une quinzaine de jeunes devraient prochainement quitter la structure, ce qui nécessitera également de remettre à niveau certains équipements.
Améliorations matérielles à prévoir
Le principal point noir du séjour concerne le mobilier : les lits sont devenus trop petits pour les enfants, et les matelas doivent être remplacés. Il est aussi nécessaire d’acheter des lampes et du mobilier (bureaux, rangements) pour les dortoirs. Ces achats seront effectués prochainement.
Par ailleurs, l’association française « Les Ordis du Cœur » a fait don de 10 ordinateurs. Trois étudiants éthiopiens en ont déjà bénéficié, et huit ordinateurs ont été envoyés en Éthiopie pour équiper les jeunes de l’orphelinat et soutenir leurs études.
Équipe et perspectives
Le duo formé par Tamiru (directeur) et Buzayehu (nouveau directeur adjoint) fonctionne bien. Leur collaboration est intelligente et constructive. Tamiru a retrouvé de l’énergie et de l’espoir, animé par l’ambition de rendre SOSEE (l’orphelinat) progressivement autonome. Nous n’en sommes pas encore là, mais Buzayehu fait preuve d’un réel potentiel et d’un charisme prometteur.
Conclusion
La situation générale s’améliore. Les changements de gestion, la définition des rôles et la mise en place de règles claires portent déjà leurs fruits. L’économie semble se stabiliser et les perspectives sociales sont encourageantes.
Il reste cependant des efforts à fournir, notamment pour améliorer les conditions matérielles des enfants et accompagner les jeunes vers plus d’autonomie.
Je vous remercie à nouveau pour votre aide si précieuse. Sans vous, rien ne serait possible.
Maria